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Angola 3 in La Presse

From the Bottom of the Heap: The Autobiography of Black Panther Robert Hillary King

Angola 3: des Black Panthers demandent justice
by Éric Clément
La Presse

«À partir de quand une sentence de confinement solitaire en prison devient-elle inhumaine en regard de la faute ?»

C’est la question que se pose encore Robert King, sept ans après avoir été libéré de la prison d’Angola où il a passé 31 années de sa vie, dont 29 en isolement total dans une cellule individuelle de 2,70 par 1,80 m, sans fenêtre, avec un lit en ciment et une petite table, une cage dont il ne sortait qu’une heure par jour pour se doucher, dit-il. Et, ajoute-t-il, pour un crime que la justice a fini par admettre qu’il n’avait pas commis.Aujourd’hui âgé de 66 ans, le Black Panther vit à Austin, au Texas, où La Presse l’a rencontré. Il a dû quitter sa maison de La Nouvelle-Orléans, submergée par la crue de l’ouragan Katrina, en 2005.

Robert King fait partie avec Herman Wallace et Albert Woodfox, deux autres Black Panthers encore détenus à Angola, des «Angola 3», un trio bien connu en Louisiane pour prétendre depuis des années avoir été victime d’une énorme injustice.

En introduction de la biographie qu’il a publié cet hiver, From the Bottom of the Heap, Robert King pose la question : «Je suis né aux États-Unis, je suis né Noir, je suis né pauvre. Est-il donc étonnant que j’aie passé la plus grande partie de ma vie en prison ?»

Il affirme en effet que les Noirs de la Louisiane endurent des injustices depuis des décennies. Issu d’une famille pauvre et décomposée de La Nouvelle-Orléans, il a connu la misère très tôt. Il raconte avoir mangé du rat dans sa jeunesse alors qu’il devait compter sur l’habileté d’un chien qui chassait les lapins, les écureuils, les tortues et les serpents pour se nourrir.

Sa grand-mère, qui l’a élevé avec une ribambelle d’autres enfants, se tuait chaque jour à couper de la canne à sucre dans une plantation. Robert King n’a vu son père pour la première fois qu’à 13 ans. Il a connu la rue, ses lois, l’errance et les petits larcins pour survivre. Il dit aujourd’hui que la violence de la rue était liée au fait que les Noirs, même libérés de l’esclavage, ne recevaient aucun signe d’humanité.

«Ils étaient privés de culture et de responsabilités, ce qui a entraîné une autodestruction à laquelle s’est ajoutée le racisme et l’oppression», dit-il.

Dès qu’il a mis le doigt dans l’engrenage judiciaire, il a eu, dit-il, une belle tête de coupable permanent. En 1970, il est condamné par un jury à 35 ans de travaux forcés pour un vol, « même si celui qui a commis le crime m’a disculpé pendant le procès, en disant au juge qu’il avait été victime de brutalité policière pour le forcer à m’accuser «.

«C’est alors que j’ai su ce que voulait dire être un «ami de la cour»», dit-il.

Choqué par cette condamnation qu’il ne digère pas et par le fait qu’il trouvait que les Noirs étaient injustement traités «par le système», il se joint en 1971 au chapitre louisianais des Black Panthers, qui défendent alors la cause des Noirs depuis cinq ans. En prison, il fait la connaissance d’Herman Wallace et d’Albert Woodfox, deux autres Panthères noires.

Avec d’autres prisonniers, ils exigent des autorités carcérales des améliorations de leurs conditions de vie, en faisant des grèves de la faim. Leur cause franchit les grilles de la prison. Mais leur activisme embarrasse les autorités.

«On était contre le statu quo, donc on devenait une cible pour l’administration», dit M. King. Du coup, selon leur version, Wallace et Woodfox sont accusés à tort de l’assassinat, en avril 1972, de Brent Miller, un gardien de prison tué de 38 coups de couteau. Robert King est, quant à lui, envoyé en isolement, même s’il était absent ce jour-là, dit-il. Selon eux, leur accusation est directement liée à leur engagement politique et à la lutte que le FBI livre alors aux Black Panthers.

Le média américain NPR affirmait en octobre dernier que des détenus qui étaient à Angola en avril 1972 se rappellent aujourd’hui que ce fut «un mauvais mois pour les Noirs» dans la prison et que la direction n’a jamais interrogé un seul prisonnier blanc après ce meurtre.

Un an plus tard, Robert King est à son tour accusé du meurtre d’un autre homme dans la prison. Bâillonné et les mains attachées derrière le dos durant son procès, il est condamné à la prison à vie et au confinement solitaire.

«Le confinement solitaire, c’est une forme d’esclavage qui te donne le droit moral de t’échapper car être ainsi incarcéré est immoral, dit-il. Être tenu responsable d’un crime qu’on n’a pas commis, malgré les preuves de ton innocence, c’est un acte de terrorisme.»

Il décide de lutter en s’instruisant, en lisant beaucoup. « La loi était incohérente, je me suis mis, non pas à étudier le droit, mais à en faire la critique. « Des encouragements lui viennent de l’extérieur. Des élus américains mais aussi la fondatrice des magasins Body Shop, l’activiste Anita Roddick, se portent à la défense des Angola 3.

Un témoin à charge disculpe Robert King en 1987. Il lance une procédure d’appel. Une campagne nationale appelle à sa libération. Il obtient des jugements en sa faveur qu’il perd ensuite en appel. Son avocat réclame la clémence de l’État en 1996. Le bureau du pardon juge qu’il n’a pas fait assez de temps en prison (26 ans).

En 1998, un juge évoque dans son jugement le fait qu’il soit «probablement innocent». Après une requête en habeas corpus, Robert King est libéré le 8 février 2001.

Mais Wallace et Woodfox sont encore à Angola. Après 36 ans d’isolement. Selon l’avocat d’Herman Wallace, Nick Trenticosta, il n’existe pas aux États-Unis de prisonniers qui soient restés aussi longtemps enfermés en prison.

Accusés comme le Black Panther Elmer Geronimo Pratt, qui a fait 25 ans de prison pour un meurtre qu’il n’avait pas commis (il a été libéré en 1997), Wallace et Woodfox ont des chances de retrouver la liberté. Des juges ont récemment pris en compte le fait que l’arme du crime n’a jamais été attribuée à l’un ou à l’autre. De plus, les empreintes digitales et les traces de sang retrouvées sur la scène du crime ne leur sont pas reliées.

Même la veuve du gardien de prison assassiné a affirmé qu’ils devraient avoir droit à un autre procès. L’été dernier, un juge a proclamé que le procès initial de Woodfox a été «injuste» à cause d’une représentation juridique insuffisante et de la suppression de preuves disculpantes. Ce n’est en effet qu’après son procès qu’il a su qu’un témoin à charge (un prisonnier) avait eu des faveurs de la prison en échange de son témoignage, notamment une promesse de libération anticipée, ce qu’il a obtenu 13 ans plus tard.

Même si le système d’appel américain est long et complexe, Robert King est optimiste et pense que ses deux amis seront bientôt libres. «Pas parce qu’il y a une justice mais parce que la population fait des pressions», dit-il. En décembre dernier, un juge a ordonné à la Louisiane de «préparer ses arguments» dans le dossier d’Albert Woodfox. Une audience doit déterminer dans quelques jours s’il aura droit à un nouveau procès.

Qui étaient les Black Panthers?

Le mouvement Black Panther Party for Self Defense fut créé en 1966 en Californie par Bobby Seale et Huey P. Newton, des Noirs de la gauche américaine. La panthère noire avait été choisie comme emblème parce que c’est un animal noir « qui n’attaque pas mais se défend férocement «. Le mouvement révolutionnaire s’était doté d’un programme en dix points, notamment un droit au logement décent, une éducation appropriée tenant compte de l’histoire des Noirs, « la fin de la brutalité policière, la justice, la liberté et la paix «. Le BPP, dont une des fonctions était de fournir des services communautaires aux plus démunis, a essaimé dans plusieurs villes américaines avant d’être infiltré et combattu par le FBI et son programme COINTELPRO. Le leader du BPP, Fred Hampton, a été assassiné par le FBI dans son lit à Chicago le 4 décembre 1969. La police tuera un grand nombre de militants du BPP et créera un tel chaos que le mouvement, grevé par la dissidence, disparaîtra peu à peu. Âgé de 72 ans, Bobby Seale est toujours impliqué socialement : il implante des programmes d’éducation pour les jeunes.

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